HISTOIRES D’INFIRMIÈRES – L’effet domino des clichés du cannabis
« Mes collègues seront-ils capables de le deviner ?», a-t-elle demandé anxieusement. « Je suis désolé ?» ai-je répondu en me demandant si elle faisait référence à l’huile de cannabis ou à son transit gastro-intestinal. Nous parlions de manger des légumineuses au dîner ce jour-là. « Ils ne doivent pas le savoir! Ils vont penser que je suis une droguée. »
Je reçois souvent des patient·e·s avec les mêmes interrogations. Le cannabis suscite encore beaucoup de réticences. Notre société ne cesse de lui trouver des défauts, quelle que soit l’évolution de son statut. Le public n’a pas encore confirmé pleinement et intuitivement ses droits moraux de conduite. La perception du cannabis évolue à un rythme très lent.
Même la méthode d’administration est très compatible avec son opinion pernicieuse. « Je ne veux pas fumer de cannabis. Je ne suis pas un drogué », dit l’un de nos patients. La terminologie actuelle, le jargon plus précisément, est probablement encore déroutant. Plusieurs de nos patient·e·s ne veulent pas prendre de pot ou fumer un pétard. Nos plans de traitement sont basés sur des données scientifiques et, par conséquent, nous veillons à utiliser les termes appropriés.
Nos médecins distingués ne prescrivent pas de la marijuana. Ils recommandent d’inhaler du cannabis séché pour les pics de douleurs. Je le rappelle gentiment à un patient lorsqu’il utilise des mots comme « pot » ou « ganja ». Le proverbial anglophone « to-may-to/to-mah-to » résonne. Alors, quelle est la différence ? Vraiment ?
Je crois que les mots et la façon dont nous les interprétons sont très importants pour notre avenir. Je me souviens dans les années ‘90, de la sémantique affectant la portée du terme « impôt sur la mort » (death tax), qui est finalement devenu « impôt sur les successions » aux États-Unis ? En gros, les politiciens et les défenseurs de la cause ont tenté de faire échouer le projet de loi en insistant sur le fait qu’il nuisait aux exploitations agricoles familiales et aux petites entreprises. Ils ont sciemment inventé le terme « impôt sur la mort » pour amener le public à se rallier à leur cause. Mourir a plus d’impact et de sens au sein de la conscience collective.
Je pense que la transition vers une nomenclature pertinente dans la prescription de cannabis médical doit être imposée, appliquée et soutenue par toutes les parties concernées. Du cannabis séché indica, riche en THC, 3 à 4 inhalations au coucher ou selon les besoins est un meilleur exemple d’une interprétation positive et digne de confiance que 3-4 puffs de pot avant d’aller se coucher.
– Pheng Lim, Infirmier auxiliaire
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